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Secouez l’Alphabet, « G » reste Google

Au milieu de l’été, la réorganisation de Google Inc a fait la une des médias. La célèbre marque devient “juste” l’une des entreprises d’une nouvelle holding, Alphabet Inc. Une révolution? Pour l’instant, il s’agit surtout de la correction d’une erreur classique en branding.

Ainsi donc le groupe de la marque la plus connue au monde a changé de nom. Google Inc va devenir Alphabet Inc. Ce n’est pas tous les jours qu’une réorganisation pareille arrive, et l’événement a fait la Une des médias du monde entier. On ne parle pas ici d’Orange Suisse devenant Salt. Mais plutôt de Coca-Cola Company annonçant que, désormais, elle s’appellerait Liquids Inc et que ses marques seraient plus indépendantes les unes des autres.

Quels bénéfices financiers sont attendus à long terme? Quelle influence sur le parcours des entreprises du groupe? Personne ne peut encore le dire. Pour l’instant, toute l’opération – décrite parfois comme un grand événement technologique – est une affaire d’image, de perception. C’est ce qui la rend si intéressante à mes yeux.

Comme le cofondateur de Google Larry Page l’a expliqué lui-même, la réorganisation vise à mettre de la clarté dans l’entreprise. Google mincit un peu et se recentre sur son corps de métier (recherche et publicité en ligne, applications, Android, cartes, YouTube…). Les autres sociétés sont éloignées de la marque Google. Elles peuvent produire plus librement leurs voitures autonomes, lentilles de contact, thermostats connectés, leurs remèdes au vieillissement humain ou leurs chiens-robots militaires… Elles peuvent devenir des marques plus fortes, évoluer, s’épanouir – voire mourir – de leur côté.

Google revient donc vers l’idée que l’on avait d’elle (ce que nous appelons son idée clé). Les publics perçoivent mieux ce que fait Google et ses autres marques. Les investisseurs – tout spécialement visés par ce changement – disposeront de résultats plus détaillés. Ils sauront mieux où ils placent leurs dollars, entre les activités rentables aujourd’hui (la pub) et celles au profit plus aléatoire (les “projets fous”). La clarté rassure.

L’opération est-elle un “démarrage de nouvelles choses” (les mots de Larry Page)? Elle me donne plutôt l’impression d’être la correction d’une erreur. Une erreur classique en branding, la dissolution.

Je le dis souvent à mes clients: si vous avez la chance de susciter une idée claire et positive dans la tête de vos clients, attention de ne pas la flouter. Quand une diversification des activités est envisagée, il faut toujours soigneusement évaluer si ces nouvelles activités correspondent au positionnement, aux valeurs portant la marque. Si ce n’est pas le cas, alors mieux vaut créer une nouvelle marque. Réparer une dissolution peut coûter cher.

Virgin a osé cumuler des activités très diverses (musique, boissons, compagnie aérienne, robes de mariée…) en s’appuyant sur des valeurs et un positionnement d’outsider turbulent, incarné par Richard Branson. Du point de vue de la marque, cela tenait. Google aura moins réussi.

Il y a 17 ans, elle était ce fantastique moteur de recherche permettant – en échange d’informations personnelles – de nous y retrouver dans l’inextricable labyrinthe du web. Son nom est même devenu le verbe signifiant cette action, c’est dire. La messagerie, les calendriers étaient un développement perçu comme naturel. Mais les lentilles de contact, les voitures, les chiens-robots militaires? Comment conjuguer le verbe “googler” avec eux? Ils s’écartent bien plus du positionnement et des valeurs de la marque. Ils ont flouté l’image positive de Google. Ils ont aussi alimenté son image de “société tentaculaire connaissant tout de nous et s’immisçant dans tous les domaines de notre quotidien”. Alors, oui, revenir vers ce à quoi les publics s’attendent de Google était nécessaire.

Reste que cette correction d’image a été adoptée tardivement. Elle risque de prendre du temps pour agir. Cela fait en effet des années que Google Inc est devenue un peu fumeuse, vaguement inquiétante. Cette ombre va rester probablement encore longtemps dans les esprits. Notamment parce que le nom Google est toujours bien là.

De son côté, Alphabet ne démarre pas vierge et immaculée. Avant même sa naissance, l’entité est déjà connue et reconnue comme “le groupe tentaculaire qui s’appelait Google”. Elle sera d’ailleurs dirigée par les fondateurs de Google et son acronyme au Nasdaq restera celui de Google Inc, GOOG.

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